Melbourne: La Gifle (The Slap) par Christos Tsiolkas

“On pourrait essayer un Italien, ce serait exotique!”

La proposition de mes collègues de l’Université de Monash pour le choix du resto m’avait rappelé que tout était à l’envers en « Down Under ». J’avais quitté l’Europe en plein été, pour me retrouver, sous le soleil certes, mais en pull ou avec une veste dans les rues froides de Melbourne. En début de semaine, j’avais déjà dîné dans un Izakaya japonais et pris un « Pho » dans un restaurant vietnamien à quelques blocs de mon hôtel victorien. Pour mes deux collègues, l’un venant du Bangladesh et l’autre Chinois de Kuala Lumpur, il était normal qu’un restaurant italien semble exotique. Les pâtes et le vin italien étaient excellents. Après le dîner, nous sommes partis faire un tour à St Kilda, la plage dans le vent – littéralement ce soir-là – pour voir quelques pingouins et les lumières de Melbourne de l’autre côté de la baie.

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Le superbe roman de Christos Tsiolkas m’a un peu fait le même effet. De prime abord, ce sont les contrastes ethniques qui apparaissent comme le fil conducteur de ce livre. Harry gifle Hugo, un insupportable garçon de quatre ans qui menaçait son fils d’une batte de cricket lors d’un barbecue dans la banlieue de Melbourne.  Harry est le cousin d’Hector dont on fête les 40 ans. La famille d’Hector est d’origine grecque, une famille traditionnelle, envahissante, mais soudée. Aisha, la femme d’Hector, est Indienne et est une des meilleures amies de Rosie, une « vraie » Australienne, la maman du petit Hugo.

Christos Tsiolkas Crédit Photo : John Tsiavis

Christos Tsiolkas
Crédit Photo : John Tsiavis

 

Les conséquences de cette gifle sont racontées et explorées selon le point de vue de huit convives du barbecue. De Manolis, le père d’Hector et oncle d’Harry à Connie l’adolescente qui travaille dans la clinique vétérinaire tenue par Aisha, est la baby-sitter d’Hugo et est amoureuse d’Hector. Chacun et chacune ont leurs tics, exaspérations, espoirs et désirs. La gifle agit comme un révélateur qui souligne les fractures et bouscule les non-dits. La langue de Tsiolkas est souvent crue et le sexe est piquant.

Mais les huit acteurs de ce mini-drame de banlieue aisée ont de l’épaisseur et du répondant. On passe de surprises en surprises. En commençant  par Hector, sur le point de séduire ou de se laisser séduire par Connie, énervé par son effort d’arrêter la cigarette et par son fils trop bien en chair, en allant jusqu’ à sa femme, la plus que parfaite Aisha, aussi calme en train d’opérer les chiens affolés que dans sa cuisine envahie par sa belle-mère grecque, mais qui songe un instant à quitter Melbourne pour  le Canada et un collègue rencontré lors d’un congrès de l’association internationale des vétérinaires… De quoi renverser quelques idées reçues.

NB : « The Slap » est aussi le titre d’une série australienne inspirée par le roman, ainsi que d’une récente adaptation américaine, un peu moins bonne que la  version australienne.

La gifle (the slap) : L’intégrale de la série

2 réflexions sur “Melbourne: La Gifle (The Slap) par Christos Tsiolkas”

  1. Bravo Damien ; excellente initiative !
    J’aime bien le « depuis quelque temps, je lis des livres qui se passent dans le pays ou la ville que je visite », alors que cette habitude originale et intelligente t’occupe depuis – au moins – les Mémoires d’Hadrien, lue à Rome (dans le Panthéon si j’ai bonne mémoire…) du temps où nous étudions ensemble…
    Le premier livre présenté sur ton blog suscite déjà mon intérêt ; dommage que je n’aie pas prévu de passer par Melbourne dans les semaines qui viennent.
    J’ai par ailleurs apprécié le choix de la photo – ressemblant à un Canaletto – et introduisant fort a propos ta première citation… ; voulu ?
    Vivement que tu viennes lire chez nous – cet été ? – « Décembre 1944 à Isle la Hesse », écrit par la grand-mère de Vanessa !
    Bien amicalement,
    Stephan