Mon frère Harold est parti au Rwanda avec des amis. Je lui ai suggéré quelques lectures ou films. Il est difficile de nos jours d’évoquer le Rwanda sans que le Génocide y ait une place centrale. Ce tour d’horizon n’y échappera pas. Mais je voudrais commencer par un livre qui précède 1994. « L’homme qui demanda du feu » d’Ivan Reisdorff se passe à la fin de la période coloniale : c’est une enquête menée par un administrateur belge idéaliste suite à l’assassinat d’un rwandais. Une merveilleuse introduction à la culture et aux traditions rwandaises et à la splendeur du pays des mille collines. Le livre n’est pas facile à trouver, mais il vaut le déplacement.
J’ai aussi lu “Notre-Dame du Nil” de Scholastique Mukasonga qui se passe juste après l’Indépendance, dans un pensionnat pour jeunes filles situé sur la crête Congo-Nil. J’ai beaucoup aimé ce livre où se mêlent les rêves modernes de la future élite féminine du pays, les visites aux oracles traditionnels, les folies de vieux colons et une visite de la Reine Fabiola dans ce couvent de religieuses. Mais derrière ces péripéties, on sent déjà monter les tensions entre Hutus et Tutsis.
Le meilleur livre que j’ai lu sur le Génocide rwandais est celui de Philip Gourevitch : « We Wish to Inform You That Tomorrow We Will Be Killed With Our Families” que j’ai lu dans la version anglaise, mais qui a été traduit en français : « Nous avons le plaisir de vous informer que, demain, nous serons tués avec nos familles ». C’est précis et complet, tant pour comprendre les événements et les mécanismes qui ont mené vers l’horreur, que pour avoir une idée de l’étendue et de la force de la vague meurtrière qui a submergé le pays. Un très grand travail de journaliste, basé sur la collecte de nombreux témoignages.
L’Opération Turquoise menée par la France vers la fin du Génocide demeure très controversée. Un ouvrage qui met en cause cette opération est le livre de Patrick de Saint-Exupéry : « L’Inavouable : La France au Rwanda ». Un livre très dur pour le rôle de la France par un ancien journaliste du Figaro, peu suspect de gauchisme ou d’antimilitarisme.
Sur le même sujet, il y a ce roman par Guillaume Ancel, un ancien officier français : « Vents sombres sur le Lac Kivu ». Le style est assez direct, mais le récit est très prenant. Un témoignage brut qui décrit bien la vie des militaires lors de ce type d’opérations en Afrique, mais qui semble aussi avoir mis à mal la position officielle française sur les objectifs de l’opération.
J’ai aussi lu le roman « Un dimanche à la piscine à Kigali » du québécois Gil Courtemanche. Le livre se lit très bien, même si l’histoire est peut-être vue un peu trop par la loupe des expatriés et de leurs amours avec des Rwandaises à l’hôtel des Mille Collines tandis qu’éclatent les massacres. Mais c’est sans doute l’effet voulu, comme le suggère le titre. Le roman a été adapté au cinéma sous le titre « Un dimanche à Kigali », mais je n’ai pas encore vu le film.
L’”Hôtel des Mille Collines”, dans lequel j’ai logé, offre l’un des plus beaux petits déjeuners au monde depuis sa terrasse au 4ème étage d’où l’on voit la brume se lever sur les collines qui entourent Kigali. C’est l’hôtel qui a inspiré le film « Hotel Rwanda ». Le film a contribué à faire connaître le Génocide, surtout aux USA, mais il est trop à la sauce Hollywood à mon goût. Tourné en grande partie en Afrique du Sud, sans acteurs rwandais, il a aussi été assez mal perçu au Rwanda car il mettait trop en évidence l’action d’une seule personne, par ailleurs controversée.
Un film que je recommande est « Quelques jours en avril/Sometimes in April » qui donne un aperçu plus large et plus complet du Génocide à travers le destin de deux frères hutus et de leurs familles. L’ un des frères a épousé une Tutsi, l’autre est animateur à la radio extrémiste Radio Télévision Libre des Mille Collines. Certaines images sont assez dures, mais le film est éclairant.
Le film que je trouve le meilleur sur le Génocide rwandais est « Kinyarwanda » qui montre de multiples points de vue et qui se termine aussi sur une note d’espoir. C’est le film que j’ai vu avec mes enfants (les plus âgés) avant de partir en vacances en famille au Rwanda.
Je termine mon tour d’horizon rwandais par une bande dessinée toute en finesse, toujours sur le thème du Génocide : « Deogratias » de Jean-Philippe Stassen. Elle fait bien ressentir comment peu à peu l’engrenage de la haine et la violence se sont insérés dans la vie quotidienne.
