Vermont, Etats-Unis : « Sage-Femme (Midwives) » par Chris Bohjalian

Lorsque la recrudescence des cas de COVID-19 nous força à annuler notre retour en Europe cet hiver, nous nous sommes mis à chercher des options pour les quelques jours de vacances que nous avions entre Noël et Nouvel-An. La station de ski en West Virginia que nous fréquentions quand les enfants étaient plus petits et apprenaient à skier était devenue trop limitée pour nous. Nous avons donc étendu notre recherche et sommes tombés sur la station de Killington dans le Vermont, dont les conditions d’enneigement et les précautions contre le virus étaient satisfaisantes. Il nous fallut près de huit heures de route, montant vers New-York, profitant de quelques superbes vues sur Manhattan depuis le New Jersey, avant de filer au Nord vers la frontière canadienne. La dernière heure du trajet se fit sur les routes secondaires qui sillonnent les montagnes et les petites villes de cet état dont le nom vient du Français et illustre bien la topographie du paysage, même si le vert n’est bien sûr pas la couleur dominante en hiver.  

Alors que je préparais mon bagage, je me suis souvenu que le roman « Midwives » de Chris Bohjalian, traduit en français sous le titre « Sage-Femme », que j’avais dans ma bibliothèque, mais que je n’avais pas encore lu, se passait au Vermont. La couverture représentant une maison isolée sous une lourde tempête de neige semblait en accord avec la saison.

C’est en effet, lors d’une tempête de neige, ou plutôt de pluie glaçante, vers la fin de l’hiver, dans les années 80, que se joue le drame au cœur du roman : Sybil Danforth est une sage-femme indépendante qui pratique des accouchements à domicile. Elle a été appelée avec son assistante, pour mettre au monde le bébé de Charlotte Bedford, la femme d’un pasteur récemment installé dans les environs. Le travail de la maman devient difficile et elle s’épuise. Sybil veut la conduire à l’hôpital mais sa voiture patine sur la glace. Impossible d’appeler les secours : les fils du téléphone ont cédé sous le poids des précipitations. Au milieu des contractions, Charlotte subit une attaque. Sybil tente tant bien que mal de la sauver en pratiquant la réanimation cardio-pulmonaire, mais doit constater qu’elle ne répond pas. Elle décide alors de sauver l’enfant et fait une césarienne avec un couteau de cuisine.  

Même si ces faits sont connus dès le début du livre, le roman se lit comme un thriller. Très vite la question se pose de savoir si Charlotte Bedford était effectivement morte lors de la césarienne pratiquée par Sybil. Si oui, la sage-femme a sauvé la vie de son bébé. Mais sinon, n’est-elle pas responsable de la mort de la maman ? Les policiers viennent prendre la déposition de Sybil chez elle. Le pasteur Bedford, le mari de la maman morte en couches et Anne, la jeune assistante de Sybil, déclarent avoir vu un jet de sang lors de l’incision… La machine judiciaire se met en marche, les autorités médicales veulent profiter de cette occasion pour porter un coup à ces sages-femmes non reconnues.

Le roman est écrit du point de vue de Connie, la fille de Sybil, qui a quatorze ans lorsque ce drame vient bousculer sa vie et celle de sa famille alors qu’elle en est à ses premières expériences adolescentes. Elle voit débarquer Stephen Hastings, l’avocat qui vient guider sa maman pour préparer le procès et son témoignage devant le jury. Elle assiste, assise une rangée derrière sa maman, à côté de son père et de sa grand-mère à toutes les audiences. Cette perspective ajoute une dimension très humaine à un roman judiciaire par ailleurs très bien ficelé, adapté ensuite pour le cinéma, et qui ouvre aussi une fenêtre sur un des états les plus petits mais les plus attachants des Etats-Unis.

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