Cela faisait longtemps que Malte, perdue au milieu de la Méditerranée, au sud de la Sicile mais à la latitude de la Tunisie m’attirait. Je viens d’y passer une semaine en février avec un très bon ami, compagnon de nombreux voyages de jeunesse.

Les deux îles, Malte et Gozo, sont petites et on s’y déplace avec facilité en bus, en bateau ou à pied. Le mois de février nous offrait du soleil sans trop de chaleur et un tapis de fleurs jaunes sur les collines qui marquent le relief à l’intérieur des terres. Mais on n’est jamais loin des falaises qui plongent dans le bleu de la Méditerranée.

C’est lors d’une expédition sur les flancs d’une de ses falaises que Nicolo Borg, un jeune garçon, fils d’un maçon de Birgu, se fait enlever par des corsaires turques. Sa sœur aînée, Maria, qui l’avait entraîné dans cette escapade, assiste impuissante au drame. Nous sommes en 1552 et Malte, dont l’administration vient d’être confiée par Charles-Quint aux Chevaliers de l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, est le bastion le plus avancé de la chrétienté dans une mer que convoite la puissance ottomane.

Cet épisode est le point de départ du somptueux roman historique « Ironfire » de l’écrivain américain David Ball. Après avoir été vendu comme esclave à Alger, Nicolo parvient à s’échapper et aboutit à Istanbul. Il se convertit à l’Islam, prend le nom d’Asha, est admis dans une école pour janissaires et gravit les échelons à la cour du sultan. Pendant ce temps, Maria, furieuse contre les Chevaliers qui n’ont rien fait pour sauver son frère, reste confinée à Malte, malgré ses rêves d’horizons plus prometteurs. Elle se lie d’amitié avec des juifs marranes qui se cachent dans les grottes de l’île. Elle apprend aussi à lire avec Don Salvago, le curé de sa paroisse, qui, lorsqu’elle devient jeune femme, ne peut résister à sa beauté et finit par la violer.
Le roman se termine par le Siège de Malte en 1565. Les Ottomans, emmenés par Dragut Rais, sont plusieurs fois sur le point de prendre l’île sur laquelle les Chevaliers, commandés par Jean de la Valette, résistent tant bien que mal, sans recevoir les renforts promis par le reste des royaumes chrétiens. Asha, alias Nicolo Borg, devenu un des commandants de la flotte ottomane, parvient à s’infiltrer à l’intérieur des forts tenus par les Chrétiens. Il retrouve sa sœur, mais tiraillé entre son amour pour son pays natal et la fidélité qu’il a juré au sultan, il ne sait pas trop quel rôle jouer. Il ne sert pas d’espion, mais ne peut pas non plus empêcher les massacres.

J’ai lu avec beaucoup de plaisir ce roman très bien mené et j’ai aimé retrouver le nom des péninsules et des forts que j’avais visités autour de La Valette, la capitale du pays, construite après le Grand Siège et qui porte le nom de son défenseur. Un des personnages qui m’a beaucoup plu est celui de Chrétien de Vriese, un chevalier français. Plus intéressé par la médecine que par l’art de la guerre, il est déchiré entre son sens du devoir envers l’Ordre et son amour pour Maria. Il m’a fait un peu penser au Caravage. Ayant fui Rome après avoir été mêlé à un crime, le génial peintre italien aboutit à Malte. Il devient chevalier et y compose quelques splendides tableaux, dont « La Décollation de Saint Jean-Baptiste » dans un oratoire de la co-Cathédrale Saint-Jean à La Valette, avant de se mêler à nouveau à une rixe, être fait prisonnier, destitué de l’ordre et devoir quitter l’île.

Voyager à Malte, c’est se replonger dans un bain d’histoire et même de préhistoire. En un court trajet de bus, on passe des temples mégalithiques, sans doute les plus anciens du monde, à l’hypogée d’Hal Saflieni, jusqu’aux souvenirs de l’autre siège de Malte quand l’île, qui était encore colonie britannique résista aux bombardements italiens et allemands pendant la seconde guerre mondiale, en passant par les superbes églises baroques dont les pierres jaunes reflètent le soleil et les dômes arrondis ponctuent le paysage.

NB : « Ironfire » a été traduit en français, mais publié en deux volumes. Le premier s’intitule « La Prisonnière de Malte » et le second « Le Faucon d’Istanbul ». « Ironfire » est le titre original aux Etats-Unis, tandis qu’en Angleterre, le roman s’appelle « The Sword and the Scimitar ».