Liège: Pedigree par Georges Simenon

Les premiers jours d’octobre. Il fait encore chaud. Assez pour descendre sans manteau les escaliers du Mont Saint-Martin en découvrant Liège lovée dans sa cuvette.

Nous marchons sur les trottoirs aux pavés inégaux, pas très propres, qui longent les maisons aux briques rouges noircies par le temps et peut-être le charbon. Nous nous dirigeons vers l’Eglise Saint-Jacques où ma grand-mère va être enterrée. Nous passons devant la Fabrique de la rue Trappé.

Eglise Saint-Jacques

Eglise Saint-Jacques

Les souvenirs nous reviennent : la Foire d’Octobre, ses lacquemants et ses tirs-aux-pipes, les visites chez le philatéliste, les semaines passées à étudier nos examens chez nos grands-parents, les commerces et restaurants de la rue Saint-Gilles. Puis, nous passons devant le Collège Saint-Servais.

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Simenon termina sa scolarité à Saint-Servais, mais le quartier que nous traversons n’est pas celui où il a grandi. Il semble ne pas avoir apprécié, ou peut-être même haï la bonne société catholique à Saint-Servais. Il venait d’un milieu, catholique aussi, mais plus modeste.

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Dans Pedigree, il raconte ses deux familles, maternelle et paternelle, leurs origines, leurs secrets, leurs craintes et leurs ambitions mesurées. Les rivalités aussi, au sein même de la famille : le frère qu’on envie, celui qui veut en imposer, ceux qu’on regarde de haut. Même s’il n’était pas Liégeois, on pense à Ces Gens-Là de Jacques Brel.

Mais Simenon est moins cruel que Brel. Il raconte et décrit, dans son style économe et juste, mais ne juge pas. Pedigree est, sans doute avec Lettre à ma Mère, le livre le plus intime de Simenon. L’histoire dit qu’il l’écrivit après une alerte cardiaque. Voulait-il consigner ses souvenirs d’enfance et d’adolescence avant qu’il ne soit trop tard ? Les exégètes de son œuvre ne manquent jamais de rappeler les réminiscences biographiques dans ses romans. Tel prénom ou tel patronyme qui revient, telle attitude, manière de s’habiller ou tic nerveux qui se retrouvent chez plusieurs personnages à travers l’œuvre. Souvent  Pedigree est la clef qui permet d’interpréter ses rapprochements.

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Simenon raconte aussi ses premiers amours et sa découverte de la sexualité lors de vacances pendant la Première Guerre Mondiale sur les collines d’Embourg et Chaudfontaine à quelques kilomètres de Liège. On sait que ses relations avec les femmes furent compliquées et multiples.  L’homme aux 10,000 femmes ! D’où vient cet appétit ou plutôt cette éternelle insatisfaction, voire ce besoin jamais assouvi de se confier ? Les spécialistes en ont encore pour longtemps à gloser et conjecturer, mais il est probable que la source se trouve près des courbes de la Meuse à Liège où dans les collines qui l’entourent.

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Crédit photo image à la une  : Eric Dodémont

2 réflexions sur “Liège: Pedigree par Georges Simenon”

  1. Cher Damien,
    Que d’émotions j’ai ressenties lorsque j’ai visité ton blog en lisant tout ce que tu dis sur Liège, je n’ai pas lu « Pedigree » et je ne vais pas manquer de le faire.
    Je viens de faire deux voyages, Birmanie et Corse et grâce à toi je continue à voyager dans d’autres contrées, merci.
    Pour la Birmanie, Harold m’avait conseillé de lire avant de partir « Birmane » de Christophe Ono-dit-Biot, je l’ai fait après, ce n’était pas plus mal, c’est un roman passionnant qui m’a rappelé de nombreux endroits où nous sommes passés.
    Continue à nous conseiller et à nous inviter à lire !
    Je t’embrasse
    Nadine

    • Chère Nadine,
      Merci beaucoup pour ton commentaire. La Birmanie et la Corse, deux destinations que je ne connais pas et qui ont l’air très tentantes à visiter en voyage et en lecture.
      Je t’embrasse,
      Damien