Mont Sinaï : La Bible

Quand je suis arrivé au sommet du mont Sinaï en mai dernier, j’ai eu l’impression d’honorer un rendez-vous manqué il y a plus de trente ans. En 1992, nous avions prévu un voyage en boucle qui nous mènerait en Israël, en Jordanie et dans la péninsule du Sinaï. Mais un accident de voiture à Aqaba nous empêcha d’accomplir la dernière étape.

Le mont Sainte-Catherin (2642m) depuis le sommet du mont Sinaï
Le mont Sainte-Catherine (2642m) depuis le sommet du mont Sinaï

Après avoir visité le monastère Sainte-Catherine, je suis parti en fin de matinée accompagné d’un guide bédouin. Il faisait chaud, mais le vent et l’altitude permettait une montée agréable. Mon guide savait où trouver de l’eau fraîche et me prépara un somptueux baba ganousch pour le déjeuner en passant quelques minutes une aubergine sur la flamme du feu qu’il avait allumé. Nous empruntions le chemin plus long qui passe par l’arrière de la montagne et nous n’avons pas croisé grand monde dans ce paysage, dur mais superbe, de rochers noirs, jaunes, ocres et rouges, brûlés par le soleil, qui s’étendent à perte de vue. Quand nous avons rejoint les marches, plus raides, qui montent depuis le monastère, nous avons croisés quelques pèlerins. Au sommet, un groupe de chrétiens venus de Malaisie récitaient prières et cantiques, célébrant une ascension que j’avais vu être pénible pour plusieurs d’entre eux. Ils sont redescendus et m’ont laissé seul à côté de la petite chapelle qui marque ce haut lieu de la foi.

Car, bien sûr, je n’étais pas le premier à avoir eu rendez-vous au sommet du Sinaï. Le nom arabe de cette montagne qui culmine à 2285 mètres est Djebel Moussa, c’est-à-dire, la montagne de Moïse. D’après le livre de l’Exode, c’est là qu’après avoir libéré son peuple d’Egypte et traversé la mer Rouge à sec, le prophète reçu Les Dix Commandements (Ex 20, 1-17). A sa descente, il tombe sur les Hébreux qui adorent le Veau d’Or. Sa colère explose et il brise les Tables de la Loi.  Il doit remonter jusqu’au sommet pour regraver les tables et sceller l’alliance entre Dieu et le peuple d’Israël.

Moïse brisant les Tables de la Loi, Rembrandt (1659)

Au pied du mont Sinaï se trouve aussi le Buisson ardent, autour duquel s’est construit le monastère orthodoxe de Sainte-Catherine. Plus tôt dans le récit de l’Exode, c’est de l’intérieur de ce buisson qui brûle sans se consumer, que Dieu se révèle à Moïse (Ex 3, 1-4, 17). Sainte-Catherine est un des plus anciens monastères au monde encore actif, avec une présence attestée depuis les IIIème et IVème siècles. Ce lieu de prière, aujourd’hui situé en terre d’Islam, s’est maintenu au travers des vicissitudes de l’histoire, protégé par son isolement et un édit du prophète Mohamed. Bel exemple de coexistence dans une région où les trois grandes religions monothéistes ont bien du mal à vivre en paix.

Le Buisson ardent, monastère Sainte-Catherine
Moïse et le Buisson Ardent, Marc Chagall

L’année de mon rendez-vous enfin honoré au sommet du mont Sinaï tombait bien. C’est en effet en 2023 que je choisis d’écouter, au rythme quotidien d’une vingtaine de minutes pendant 365 jours, le podcast « The Bible in a Year » dans lequel le Père Mike Schmitz lit et commente (en anglais) l’entièreté de la Bible, de la Genèse à l’Apocalypse. Plusieurs des passages du livre saint sont inspirants et sont des chefs d’œuvre littéraires, même si d’autres le sont moins. Ce rendez-vous quotidien m’a marqué et m’a fait du bien.

D’en haut du Sinaï, marqué par l’effort, le soleil et le vent, les paroles de Saint-Jean me revinrent en mémoire :

« Le vent souffle où il veut, et tu en entends la voix; mais tu ne sais d’où il vient, ni où il va. Il en est ainsi de tout homme qui est né de l’Esprit. » (Jean 3:8).

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