Idées bouquins, etc… : Iran

Avant de partir en Iran, Quentin m’a demandé quelques suggestions de bouquins ou de films. J’ai été deux-trois semaines en Iran en 1993, lors d’un long voyage en Asie. C’est sans le doute l’étape que j’ai préférée lors de ce périple. La beauté du pays, la richesse de sa culture et l’accueil des habitants formaient un tel contraste avec l’image négative véhiculée par la politique internationale et les médias. Je vais également essayer d’éviter ces clichés lors de ce tour d’horizon, mais cependant la Révolution Islamique est incontournable dans beaucoup d’œuvres contemporaines iraniennes. Mais commençons par un roman d’Amin Maalouf : « Les Jardins de Lumière » raconte la vie du philosophe Mani qui vécut en Perse au 3ème siècle, avant l’ère islamique. Son nom est à l’origine des mots « manichéen » ou « manichéisme », mais Maalouf nous montre combien sa vie et son enseignement étaient loin de se limiter à une opposition simpliste entre le bien et le mal.

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Je me souviens aussi d’avoir lu il y a plusieurs années, « Avicenne ou la Route d’Ispahan » de Gilbert Sinoué qui est une excellente biographie romancée d’Avicenne (Ibn Sina), médecin et philosophe, né à Boukhara et mort à Ispahan, qui a vécu il y a près de mille ans. J’avais beaucoup aimé cette immersion dans la Perse du XIème siècle, à la culture raffinée et rayonnante, à une époque où l’Europe médiévale semblait à la traîne.

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La ville aux mosquées turquoise semble attirer les écrivains francophones. J’ai aussi lu « Sauver Ispahan » de Jean-Christophe Rufin. C’est la suite de « L’Abyssin » qui avait lancé la carrière littéraire du médecin humanitaire devenu académicien, et c’est, à mon avis, presque aussi bon. C’est une découverte de la Perse du XVIIIème siècle vu par un couple de Français, Jean-Baptiste et Alix, qui s’y sont installés après leurs aventures en Ethiopie. La critique française est bonne, la critique anglophone plus partagée.

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Il est temps de passer à des écrivains iraniens. J’ai lu récemment « Reading Lolita in Tehran » (« Lire Lolita à Téhéran ») d’Azar Nafisi, qui a fait beaucoup de bruit aux USA et qui est très bon. C’est l’histoire d’une professeur de littérature qui enseigne les classiques de littérature anglaise (Nabokov, James, Fitzgerald) à ses élèves à l’Université de Téhéran pendant la Révolution Islamique et qui continue avec un groupe de jeunes filles une fois qu’elle est expulsée de la faculté. Ce club de lecture devient aussi une occasion de discuter de leurs mariages –prévus ou réalisés- ou de leurs plans pour quitter le pays où la censure islamique se fait de plus en plus oppressante.

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J’ai beaucoup aimé « Septembre à Shiraz (The Septembers of Shiraz) » par Dalia Sofer. C’est l’histoire d’une famille iranienne juive dans les soubresauts de la Révolution Islamique. Le grand frère, Parviz, étudie l’architecture à Brooklyn. Isaac, le père, joaillier de luxe sous le Shah, est soudain emprisonné, torturé et puis spolié du travail de toute une vie. Farnaz, la mère doit faire face à ce drame et est confrontée au ressentiment et à la discrimination des nouveaux maîtres du pays. Le tout semble vu par les yeux de Shirin la fille de onze ans qui peu à peu comprend le drame qui se joue avant que la famille ne passe la frontière clandestinement. C’est écrit avec beaucoup de subtilité et delicatesse.

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Le Colonel” est un roman de Mahmoud Dowlatabadi. Dans ma liste, c’est le seul roman écrit par un écrivain qui vit encore en Iran. Les autres auteurs iraniens dont j’ai présenté les livres ont émigré. Dowlatabadi fut considéré comme subversif tant par la police du Shah que celle des islamistes. « Le Colonel » n’a été publié qu’à l’étranger et n’est pas disponible en persan. C’est un livre âpre mais magistral. Dans cette allégorie du peuple iranien, un colonel nationaliste de l’armée du Shah voit ses cinq enfants prendre des chemins différents lors de la Révolution : l’un est communiste, l’autre s’engage dans la guerre contre l’Irak, d’autres deviennent victimes ou collaborateurs du nouveau régime islamiste. Ils termineront martyrs, torturés ou condamnés. Et c’est au colonel qu’il incombe d’aller ramasser leurs corps à la morgue et de les enterrer sous la pluie.

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La bande dessinée « Persépolis » de Marjane Satrapi a connu beacoup de succès. C’est une très chouette BD qui couvre à la fois la Révolution Islamique, la guerre Iran-Irak, l’exil de l’auteur en Autriche et son retour en Iran. Les dessins noirs et blancs sont simples, mais prenants et le récit très personnel permet d’humaniser les évènements récents de l’histoire iranienne. Le livre est d’abord paru en français, mais a été traduit dans de nombreuses langues. Mes fils l’ont étudié pour leur cours d’anglais aux USA.

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La BD a aussi été adaptée en dessin animé, qui a reçu le prix du jury à Cannes et a été nominé aux Oscars en 2007. Voici la bande-annonce:

Je profite de Persépolis pour quitter les livres pour passer au cinéma. Il y a une très grande tradition d’excellents films iraniens. Un des plus connus est « Le Goût de la Cerise » d’Abbas Kiarostami qui a obtenu la Palme d’Or à Cannes en 1997. C’est un film minimaliste, une réflexion sur le suicide et le sens de la vie, avec des longues scènes filmées de l’intérieur d’une voiture. Je mentirai en disant que les rebondissements se bousculent… Mais la majorité de la critique y voit un chef-d’œuvre.

Un autre très bon film iranien que j’ai vu est « Une Séparation » d’Asghar Farhadi. Un couple a la possibilité d’émigrer hors d’Iran. L’épouse veut partir, le mari ne veut pas abandonner son père devenu sénile. Un film sur le couple, les relations père-fils et les différences sociales. Loin des clichés sur l’islamisme, etc…. Voici la bande-annonce :

C’est avec un autre film d’Ashgar Farhadi, « A propos d’Elly », que je clos ma promenade iranienne. Un groupe d’amis part pour un week-end au bord de la Mer Caspienne. Elly, l’institutrice d’un des enfants d’un couple, est invitée, pour qu’elle fasse connaissance d’un des célibataires de la bande. Mais voilà qu’elle disparaît alors qu’elle jouait au cerf-volant avec les enfants. Un film plein de suspens, de tensions et de rebondissements.

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4 réflexions sur “Idées bouquins, etc… : Iran”

  1. Voir aussi le film suivant: La Couleur du Paradis (1999) de Majid Majidi. Lire aussi « Alamut » de (Vladimir Bartol, Traduction de Claude Vincenot, Alamut, Éd. Phebus, 2001, (ISBN 2-85940-518-6) ou Vladimir Bartol, Traduction de Andrée Lück Gaye, Alamut, Éd. Libretto, 2012, (ISBN 978-2-7529-0626-7)). Amitiés, Adrien

    • Adrien, merci beaucoup pour ces deux suggestions. Tant le film que le roman que j’ignorais ont l’air très tentants. Damien.

  2. Merci Damien pour ces belles suggestions qui m’ont accompagné dans ce merveilleux pays.
    Je voudrais aussi ajouter la BD « Ainsi se tut Zarathoustra » qui propose, avec humour et sensibilité, une belle découverte de l’Iran zoroastrien…
    Le livre « Je vous écris de Téhéran » de Delphine Minoui (2015) décrit également la société iranienne avec beaucoup de beauté et d’émotion.

    • Avec plaisir, Quentin. Je suis ravi que ton voyage en Iran t’ait plu. Merci pour les suggestions qui ont l’air très intéressantes.