Israël/Palestine: Une Femme Fuyant l’Annonce par David Grossman et Chronique du Figuier Barbare par Sahar Khalifa

Michèle et Arnaud ont récemment fait un voyage en « Terre Sainte », donc en Israël et en Palestine, et m’ont demandé des conseils de lecture. Il y a bien sûr deux best-sellers qui ont fait leurs preuves depuis des siècles et que je vous laisse découvrir, si vous ne les connaissez pas ou les avez un peu oubliés.

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Pour un regard plus récent, j’ai choisi de lire un roman  d’un écrivain israélien et un livre d’un auteur palestinien, pour garder les équilibres et observer les contrastes.

Comme roman israélien, j’ai lu  « Une Femme Fuyant l’Annonce » de David Grossman qui a été couronné du Prix Médicis étranger. C’est un livre très fort qui raconte le trajet qu’Ora parcourt à pied en Galilée pour échapper à la possibilité que l’armée vienne lui annoncer le décès de son fils Ofer qui a dû rempiler quelques semaines pour une mission spéciale à la fin de son service militaire. C’est Sami, son taximan habituel, un arabe, qui l’emmène de Jérusalem à Tel-Aviv et puis dans le nord du pays. Son compagnon de marche est Avram, un ancien amant avec qui elle avait pris part à la guerre du Kippour.

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Tout au long de leur chemin, ils se remémorent peu à peu leurs souvenirs communs. Elle lui raconte tout de sa famille, son mari Ilan qui vient de la quitter et ses deux fils, Adam et Ofer. Ofer qui lui dit que comme soldat, c’est son boulot de fouiller les Arabes aux check-points, et le cas échéant de sauter avec la bombe qu’ils pourraient cacher sur eux, pour éviter qu’elle n’explose en pleine ville et tue des civils.

Un livre qui nous rappelle le poids qui pèse sur la société israélienne où depuis des décennies tous les enfants, garçons et filles, effectuent plusieurs années de service militaire en situation de guerre. Comme le dit Ora : « Je pense toujours : c’est mon pays et je n’ai vraiment pas d’autre endroit où aller. Où irais-je ? Dis-moi, où pourrais-je être tellement énervée à propos de tout, et puis de toute façon, qui voudrait de moi ? Mais en même temps je sais aussi qu’il n’a aucune chance ce pays. Pas une. Tu comprends ? ».

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Le livre est d’autant plus émouvant lorsque l’on sait qu’au moment où il rédigeait les dernières pages de ce roman, David Grossman a perdu son fils Uri dans l’explosion d’une roquette anti-char alors que celui-ci effectuait son service militaire.

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Uri Grossman

Du côté palestinien, j’ai lu « Chronique du Figuier Barbare » de la romancière Sahar Khalifa. Le jeune Usama (le livre a été publié en arabe en 1976, in tempore non suspecto), revient des pays du Golfe dans sa ville natale en Cisjordanie près de Naplouse. Pour ce faire, il doit passer par l’humiliation des check-points israéliens. Il revient pour participer clandestinement à la lutte pour la libération de la Palestine. Mais il ne se retrouve pas dans cette ville occupée. Son oncle vieillissant joue encore à la conscience intellectuelle de la cause palestinienne devant les journalistes occidentaux, alors que son fils Adil, le cousin d’Usama, a, sans le dire à son père, abandonné l’exploitation du domaine familial pour travailler dans une usine israélienne qui paie mieux.

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Usama est sans doute amoureux de sa cousine Nuwar, qui elle admire un résistant emprisonné, mais semble cependant prête à se plier à un mariage arrangé par sa famille. Mais Usama fait finalement le saut de la lutte armée quitte à tirer sur un bus de travailleurs palestiniens qui vont travailler en Israël.

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Sahar Khalifa décrit avec subtilité les dilemmes auxquels sont confrontés les Palestiniens sous l’occupation israélienne. Leurs compatriotes en exil ont beau jeu d’appeler, comme le reste du monde arabe, à la résistance et à la confrontation. Ce ne sont pas eux qui doivent nourrir et pourvoir aux besoins de leur famille au quotidien. Ce ne sont pas eux qui tous les jours croisent des occupants israéliens: les soldats qui patrouillent les rues, les patrons et collègues à l’usine. Certains sont arrogants et brusques, mais d’autres se révèlent très humains, comme dans cette scène où des gardiens de prison ont les larmes aux yeux en voyant un prisonnier réuni pour quelques minutes avec son fils qu’il n’a plus vu depuis des années.

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