Pakistan, Inde et Sri Lanka : Les Lunes de Mir Ali par Fatima Bhutto, La Perte en Héritage de Kiran Desai et Le Fantôme d’Anil de Michael Ondaatje

Si je marquais d’une épingle sur la carte les trois livres que je regroupe dans cet article, ils formeraient un triangle pointant vers le bas et encadrant le sous-continent indien. En haut à gauche, à l’ouest de l’Himalaya, « Les Lunes de Mir Ali (The Shadow of the Crescent Moon) » de Fatima Bhutto se situe au Pakistan, à Mir Ali une bourgade reculée du Waziristan, à quelques encablures de la frontière afghane. En haut à droite, à l’est de la chaîne de montagnes, « La Perte en Héritage (The Inheritance of Loss) » par Kiran Desai se déroule à Kalimpong, petite ville de l’Etat Indien du West Bengal, coincée entre le Népal et le Bhoutan. Enfin la pointe du triangle, au sud, indiquerait le Sri Lanka, le cadre du roman de Michael Ondaatje « Le Fantôme d’Anil (Anil’s Ghost) ».

Sri Lanka, Sigiriya Lion Rock fortress.

Ces trois romans parlent d’exil et de retour. Dans le roman d’Ondaatje, Anil Tissera est une Sri Lankaise, connue dans sa jeunesse comme une des meilleures nageuses du pays, qui revient après de longues années aux Etats-Unis, comme experte médico-légale au sein d’une organisation internationale, pour enquêter sur des meurtres non-élucidés pendant la guerre civile. Dans « La Perte en Héritage », l’exil et le retour se jouent sur plusieurs générations et niveaux sociaux. D’un côté, nous suivons Jai, une jeune fille qui vit chez son grand-père Jamubhai, un juge à la retraite qui a fait ses études à Cambridge. C’est un de ces Indiens anglicisés qui n’a pas su se réadapter au chaos de son pays natal, rompant avec ses parents et sa femme et s’isolant dans un snobisme suranné.  De l’autre, Biju, le fils de leur cuisinier, tente sa chance dans la jungle des petits boulots, comme immigrant sans permis de séjour à New York. Aman Erum, l’aîné des trois frères qui partagent le petit déjeuner le matin de la fête de l’Aïd au début des « Lunes de Mir Ali », vient de revenir à contrecœur du New Jersey dans sa ville natale et est forcé de se souvenir des compromissions qu’il a dû accepter pour partir à l’étranger.

Kalimpong, West Bengal, Inde

La violence, le terrorisme et la guerre civile sont aussi au cœur des trois romans, dans un sous-continent où les pouvoirs centraux ont du mal à contrôler les régions frontalières. A Mir Ali, trois conflits se superposent et s’imbriquent : la lutte contre les Talibans venus de l’Afghanistan voisin, une lutte dans laquelle se mêlent aussi les drones américains, le conflit entre Chiites et Sunnites et la résistance ancienne des zones montagneuses et « tribales » contre le pouvoir central pakistanais. La violence est tellement omniprésente que les trois frères choisissent d’aller prier pour l’Aïd dans trois mosquées différentes pour minimiser les risques. Le plus jeune des frères, Sikander, est un médecin respecté à l’hôpital local, mais qui doit souvent interrompre son travail pour aller rechercher sa femme Mina qui a perdu la tête depuis la mort de leur enfant et crée le scandale en allant pleurer dans des funérailles où elle ne connaît personne. Hayat le deuxième frère veut garder la promesse faite à son père de se battre pour l’indépendance de leur région.

Fatima Bhutto, la petite fille de l’ancien premier ministre assassiné, Zulfikar Ali Bhutto, nièce de Benazir Bhutto, une autre première ministre assassinée à qui elle reproche pourtant le meurtre de son père, en connait un rayon sur la brutalité politique au Pakistan. Elle a cependant choisi d’illustrer son propos non pas à travers les intrigues de palais d’Islamabad mais en décrivant comment la violence s’est mise peu à peu à imprégner la vie quotidienne d’une petite ville de montagne. La région de Mir Ali ressemble à la superbe vallée de la Swat, que la reine Elisabeth II avait décrite comme « La Suisse de l’Est » lors d’une visite dans les années 60, que j’avais parcourue avec plaisir en 1993 lors d’un voyage dans les montagnes du Nord du Pakistan et qui aujourd’hui est devenue un des terrains de la lutte contre les Talibans. C’est aussi la vallée d’origine de Malala, la jeune prix Nobel de la Paix qui vient d’y faire son retour pour la première fois après y avoir été attaquée en 2012 par les Talibans pour sa défense du droit des filles à l’éducation.

Vallée de la Swat

Dans « La Perte en Héritage », le roman de Kiran Desai couronné par le Man Booker Prize, la violence est moins intense, mais cependant présente quand des membres du mouvement des Gurkhas, les soldats d’origine népalaise connus pour leur vaillance dans tout l’Empire britannique, luttant pour la séparation du Gorkhaland de l’Etat du West Bengal, viennent piller et occuper la maison du vieux juge à la retraite. Et cette tension politique est suffisante pour jeter une ombre sur l’amour naissant entre Jai, la petite-fille du juge, et Gyan, son tuteur de mathématique d’origine népalaise.

Le retour d’Anil au Sri Lanka se fait au plus fort de la guerre civile au milieu des années 80. Elle doit confirmer qu’un squelette découvert dans un site archéologique ne date pas du 6ème siècle, mais serait plutôt celui d’une victime récente de la violence politique qui ravage le pays et est approuvée voir même soutenue par le gouvernement. Doit-elle faire confiance à Sarath, le fonctionnaire qui l’accompagne dans son enquête ?

 

Anil est aussi un personnage féminin qui joue le rôle central dans le roman d’Ondaatje. Elle parvient à échapper aux surveillances et pressions exercées par le gouvernement. Les deux autres romans, écrits par des jeunes auteures, mettent aussi en valeur des femmes cherchant leurs voies dans des univers où la violence imposée par les hommes est omniprésente, mais où elles finissent par choisir le chemin de l’indépendance. A Kalimpong, Jai, la petite fille du juge anglicisé, tombe amoureuse de son prof de math, Gyan, malgré la différence de classe qui les sépare. Enfin, à Mir Ali, la lutte contre le gouvernement pakistanais est menée par Samarra, une jeune femme qui se déplace en moto, fut l’ancienne fiancée d’Aman Erum avant qu’il ne parte aux Etats-Unis et enflamme maintenant les passions de son frère Hayat.sièckeans un site archéologiqyel’ent le petit taurants de New York.ge à la retraite.me .

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