Provence : Le hussard sur le toit par Jean Giono, La charrette bleue par René Barjavel, Madame de Sévigné et Ventoux par Bert Wagendorp

Il y a plusieurs Provences et les visiteurs se rendent vite compte qu’au gré des routes qui suivent le creux des vallées, relier deux points qui semblent proches sur la carte peut être plus long que prévu. Il y a une dizaine d’années, j’ai passé quelques jours de vacances dans la Provence de Jean Giono, non loin de Banon et Forcalquier. Son roman le plus célèbre, notamment parce qu’il a été brillement adapté à l’écran par Jean-Paul Rappeneau avec Juliette Binoche et Olivier Martinez, est « Le Hussard sur le Toit ». Angelo Pardi, un colonel italien doit fuir le Piémont et traverser la frontière, poursuivi après un duel avec un officier autrichien. Il se réfugie sur les toits de Manosque (la ville de Giono, dont le père était un réfugié anarchiste italien) et y rencontre Pauline de Théus, une jeune aristocrate. Nous sommes en 1832 et la Provence est aux prises avec une épidémie de choléra. Pauline doit rejoindre le château de son mari. Angelo, comme étranger, est accusé d’avoir empoisonné les puits. Ils doivent quitter la ville et commencent un long parcours à cheval, par monts et par vaux. Ils doivent éviter la quarantaine, affronter la maladie et choisir jusqu’où ils pourront s’aimer.

Cet été, j’ai passé une très belle semaine en Drôme provençale. Les montagnes et les plateaux qui s’offraient à la vue chaque matin au lever me faisaient penser à un autre roman de Giono, « Que ma joie demeure », une ode à la communion entre la nature et les travailleurs aux champs.

Mais cette région est davantage celle de René Barjavel qui a grandi à Nyons. Dans « La charrette bleue », il raconte par petites touches son enfance dans cette jolie petite ville dont le centre n’a sans doute pas beaucoup changé en un siècle. Tandis que les hommes sont partis sur le front pendant la première guerre mondiale, les enfants grandissent sans trop de contraintes. La famille du jeune René tient une boulangerie dans une des rues principales. Il découvre ce monde d’artisans et de paysans où la commande d’une grande charrette au charron est un investissement important. Il se passionne pour la lecture. Petit à petit, pourtant, les nouvelles de la guerre atteignent le bourg et les villages, en même temps qu’arrivent les premiers aéroplanes et automobiles.

Nyons

Le château de Grignan, perché au sommet de la ville, dominant la plaine qui l’entoure, est un autre haut-lieu littéraire de Provence. C’est là que la fille de la Marquise de Sévigné, Madame de Grignan, s’établit après son mariage avec un noble provençal. Les lettres de la mère à la fille sont un des plus merveilleux exemples de l’art épistolaire français du XVIIème siècle. La marquise rendit quelques visites à sa fille, mais elle craignait les longs voyages dans la vallée du Rhône et préférait écrire.  Sa correspondance reste un monument de tendresse et d’esprit. C’est sans doute un art qui se perd, car comme disait Cocteau : « Connaîtrions-nous le nom de Madame de Sévigné si elle avait eu le téléphone ? ».

Château de Grignan

Le Mont Ventoux est un autre haut lieu de Provence. Même si le poète italien Pétrarque chanta le panorama découvert lors de son ascension, le « Géant de Provence » doit davantage sa renommée aux exploits sportifs, et surtout cyclistes qu’à sa place dans la littérature. C’est une des arrivées mythiques du Tour de France, où les plus grands noms (Merckx en 1970 par exemple) se sont imposés. C’est aussi le lieu de la défaillance mortelle du coureur britannique Tom Simpson en 1967 qui ouvrit les yeux sur les risques du dopage. A quelques centaines de mètres du sommet, une stèle commémore cet incident. Les nombreux cyclistes partis à l’assaut du « Mont-Chauve » et qui entrevoient le sommet, ne manquent pas de s’incliner devant le monument et certains y laissent un bidon en hommage.

Mont Ventoux

Bien que passionné du Tour de France, je ne suis pas assez bon cycliste pour arriver au sommet du Ventoux. Je me suis dès lors contenté de le gravir à pied, croisant de temps en temps les lacets de la route où les groupes de cyclotouristes peinent et s’encouragent. Sur ces routes, le néerlandais est une langue fréquemment entendue, me plongeant dans l’ambiance du livre « Ventoux » du hollandais Bert Wagendorp. Ce roman magistral, qui a connu un succès impressionnant aux Pays-Bas et y a été porté à l’écran, va bien au-delà des péripéties sportives. En 1982, six adolescents hollandais, cinq garçons (David, Peter, Bart, Joost et André) et Laura fêtent la fin de leur scolarité dans un camping à Bédoin, au pied du Ventoux. Certains se préparent à le conquérir à vélo, mais presque tous ont le cœur qui chavire pour Laura. Dans la descente, Peter ne semble plus pouvoir ou vouloir freiner et se fracasse la tête contre un poteau électrique le long de la route. Le lendemain du drame, Laura disparaît. Trente ans après, elle les recontacte et leur propose de se retrouver à Bédoin pour une nouvelle ascension. Ce roman se lit avec plaisir tout en offrant une réflexion profonde sur l’amitié, les rêves d’adolescence et les remords des adultes.

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