Promenades londoniennes

Il y a environ vingt-cinq ans, lors de mon séjour à Londres pour un stage dans un bureau d’avocats, je reçus du couple qui m’invitait à loger chez eux un livre intitulé « Walking London » dans lequel l’auteur, Andrew Duncan, décrivait une trentaine de promenades originales. Tous les week-ends, muni de mon livre, je partais me balader à la découverte de nouveaux quartiers, loin des sentiers battus touristiques. Je me souviens encore bien de certains des itinéraires le long de la Tamise, notamment au départ du Hammersmith Bridge près duquel j’habitais. Je crois que ce livre existe encore et a été réédité plusieurs fois.

Ma visite aux Royal Courts of Justice n’eut pas lieu un week-end. Je fus invité par des collègues à les assister lors d’une plaidoirie devant la Cour d’Appel pour lequel notre bureau de solicitors avait fait appel à un barrister. Le bâtiment en style gothique victorien est impressionnant et croiser les barristers et les juges coiffés de leurs perruques blanches ne manque pas de piquant. J’ai retrouvé avec plaisir cette ambiance dans le film « The Children Act » avec Emma Thompson. Le film est inspiré du roman éponyme de Ian McEwan (« L’intérêt de l’enfant », en français) et est tourné à Gray’s Inn, une des quatre Inns of Court à Temple, le quartier des cours et tribunaux. C’est un superbe roman qui mêle avec beaucoup de maîtrise et de doigté les choix cornéliens que doit faire une juge pour appliquer le droit de la famille, la crise d’un couple d’âge mûr et les fragilités des individus quand bien même ils portent robes et perruques.

Gray’s Inn

The Royal Courts of Justice

Le quartier de Temple, au cœur de la ville, pétri de traditions et de classicisme, reste emblématique d’un style très « British ». Le roman de McEwan, dans lequel chaque phrase est pesée, est de la même veine. « Sourires de Loup (White Teeth) » de la romancière d’origine jamaïquaine Zadie Smith est on ne peut plus différent. Il se passe dans le North West de la capitale anglaise, à Willesden, et nous rappelle combien la ville est devenue cosmopolite. C’est un livre jubilatoire, à l’humour explosif, où les intrigues et les générations se croisent, où les familles anglaises, bengalies et jamaïquaines se côtoient, nouent des amitiés (et plus…) tout en ayant du mal à trouver leurs repères entre leurs racines familiales et le patchwork ethnique de leur quartier. Le roman a été adapté en une série de quatre épisodes pour la TV que je n’ai pas encore vue.

Willesden

« La fin d’une liaison (The End of the Affair) » de Graham Greene nous amène sur l’autre rive de la Tamise et vers une époque plus ancienne, celle du Blitz pendant la seconde guerre mondiale. Le livre est devenu un classique au point que lorsque Fiona Maye, la juge qui est le personnage principal dans « L’Intérêt de l’Enfant », retrouve son mari avec sa valise devant la porte après une escapade amoureuse, elle lui jette « The End of the Affair ? ». Le roman de Greene se passe autour des Clapham Commons, là où Greene résidait pendant la guerre et où comme dans le livre sa maison fut touchée par les bombardements. Mais au-delà du triangle amoureux, également autobiographique, et de l’obsession de la jalousie, c’est aussi une réflexion sur la mort, la foi et la relation à Dieu. Le roman a été adapté deux fois au cinéma, la dernière version avec Ralph Fiennes et Julianne Moore.

Clapham Commons

Avec « Warlight », le dernier roman de Michael Ondaatje, qui n’a pas encore été traduit en français, nous restons dans le noir et blanc de l’immédiat après-guerre et l’intrigue nous offre de nombreux parcours nocturnes de contrebande sur la Tamise et les canaux avoisinants. Nathaniel Williams a 14 ans quand sa sœur Rachel et lui sont confiés par leurs parents qui s’en vont à l’étranger à deux hommes qui pourraient bien être des criminels. Nathaniel profitera de cette adolescence sans trop de contraintes, notamment quand il fera la découverte de l’amour dans une maison à louer sur Agnes Street, dans l’East End, mais il passera sa vie à essayer de comprendre la vie et la carrière de sa mère, et pourquoi elle les a abandonnés tout en les protégeant de loin. Difficile, dans les brumes londoniennes, de se frayer un chemin à travers les séquelles de la guerre et de percer les mystères des services secrets.

Agnes Street

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