Equateur : La Cofradía del Mullo de la virgen Pipona par Alicia Yánez Cossío

Lors de mon premier et récent voyage en Equateur, j’ai fait en quelques jours l’aller-retour entre Guayaquil, la grande métropole portuaire sur la côte pacifique et Cuenca, une ville coloniale dans les hauts-plateaux au sud du pays. En quelques heures de route, on quitte la chaleur humide et les plantations de bananes et de cacao de la côte, on monte rapidement dans la montagne à travers les nuages qu’elle bloque, on émerge à plus de 4000 mètres dans le paysage âpre et somptueux du parc national Cajas où paissent les lamas avant de redescendre paisiblement vers Cuenca dont les coupoles des églises se profilent dans le creux du plateau.


Il semble que la géographie et l’histoire de l’Equateur soient marquées par ce contraste entre une côte dynamique, ouverte au monde, où se brassent les affaires, les races et les cultures et les hauts-plateaux plus isolés, conservateurs, traditionnels et catholiques où se vit encore fortement la dichotomie entre descendants des colonisateurs espagnols et la population indigène.

Le roman d’Alicia Yánez Cossío, La Cofradía del Mullo de la virgen Pipona, que j’ai lu en anglais sous le litre « The Potbellied Virgin » et qui n’est pas disponible en français illustre bien ce contraste. Le récit se passe dans une petite ville des hauts plateaux qui n’est pas nommée et qui pourrait ressembler à Cuenca, en plus petit. La ville s’enorgueillit d’une cathédrale baroque qui abrite une vénérable vierge au ventre arrondi. Une confrérie de dames patronnesses, dominée par les Benavides, une famille patricienne d’origine espagnole, veille sur la statue et s’occupe de la vêtir. A chacune des jeunes filles de cette lignée, et pour autant qu’elle ait préservé sa virginité, échoit l’honneur d’offrir à la madone sa chevelure blonde. Sur la place principale, assis sur un banc, les vieux de la famille Pando, d’origine indigène, observent et commentent le théâtre de la ville qui se soumet à l’ordre moral des Benavides.

Ce spectacle se mue en comédie, rehaussée par l’humour de l’auteur, quand les idées modernes voire révolutionnaires montent de la côte pour échauffer les esprits et que certaines des filles Benavides se perdent et puis s’enfuient dans les bras des Pandos. Doña Carmen Benavides, la douairière, en arrive à devoir jouer l’agent provocateur afin d’attirer l’armée nationale en ville pour écraser les factieux et rétablir ordre et autorité.

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