Victoria, Australie : « Véritable histoire du Gang Kelly » par Peter Carey

Je n’ai fait jusqu’ici que trois visites, assez courtes, en Australie, une fois à Sydney, et deux fois à Melbourne. Chaque voyage me donne envie d’en apprendre plus sur le pays, son histoire et sa culture. Lors de mes deux passages à Melbourne, j’ai eu l’occasion de sortir de la ville et d’explorer une partie de l’Etat de Victoria, au sud-est de ce pays-continent. J’ai surtout parcouru les routes côtières, la Great Ocean Road et le tour de la Péninsule de Mornington, deux road trips offrant des vues à couper le souffle sur un rivage déchiqueté, avec par-ci, par-là, quelques plages tentantes, et la chance de voir des kangourous et des koalas.

Ned Kelly, né en 1854 dans l’Etat de Victoria, a grandi dans le bush australien, au Nord de Melbourne. Il était pauvre. Son père, amené d’Irlande comme prisonnier dans la colonie pénitentiaire de Van Diemen Island, l’actuelle Tasmanie, est devenu ensuite un « selector ». On lui a alloué un terrain, appelé « selection », à charge d’en garantir le développement agricole. Le conflit entre « Selectors » et « Squatters » est rampant. Ces derniers, qui occupaient sans titre la terre pour y faire paître leurs troupeaux ont le gouvernement britannique et la police de leur côté, tandis que les selectors doivent souvent se débrouiller en volant du bétail. A douze ans, son père meurt en prison, et le jeune Ned aide sa mère à subvenir aux besoins d’une famille de huit enfants.

Dans son roman « Véritable histoire du Gang Kelly (True History of the Kelly Gang) », pour lequel il a gagné son deuxième Booker Prize, un des plus prestigieux prix littéraires du monde anglo-saxon, Peter Carey recrée, avec une bonne dose de fiction, l’itinéraire de Ned Kelly, un « bushranger », c’est-à-dire un hors-la-loi, qui est devenue une figure mythique, une sorte Robin des Bois, dans l’imaginaire australien. Le livre est conçu comme une suite de lettres que Ned écrit pour sa fille qu’il ne connaîtra jamais, puisqu’elle est née après son arrestation et sa pendaison en 1880. Il promet à sa fille de ne lui dire que la vérité. Il lui raconte son parcours et justifie ses choix.

Après la mort de son père, Ned est placé par sa mère en « apprentissage » auprès d’Harry Power, un bushranger qui lui apprend les ficelles du métier. Mais Ned s’enfuit et essaie de vivre une existence honnête sur la petite ferme de sa famille. Il sauve même de la noyade le fils d’une famille de notables protestants, lui le sauvageon catholique. Il est pourtant arrêté et emprisonné pendant trois ans, accusé d’avoir volé un cheval. Sorti de prison, il essaie de retrouver le droit chemin, mais lorsqu’un policier qui voulait épouser sa sœur menace de tirer sur sa mère, il sort son revolver et blesse à la main le représentant de la loi.

Il doit à nouveau se cacher avec son frère Dan et quelques amis. Sa mère est jetée en prison à Melbourne, servant d’appât pour que le fils sorte de sa cachette. Ned forme avec ses amis un gang qui dévalise quelques banques et redistribue une partie du butin dans la population. Leur popularité croît et Ned essaie d’en profiter pour forcer la libération de sa mère. Mais la police fait venir des renforts de Melbourne pour capturer les hors-la-loi. Après une première escarmouche qui tourne à leur avantage, le gang se fait coincer par les troupes de police à Glenrowan. C’est lors de cette bataille que Ned Kelly tente une sortie équipée d’une armure d’acier qu’il s’est fabriquée. L’armure – que l’on peut maintenant voir dans la bibliothèque de l’Etat de Victoria à Melbourne -, remplit sa fonction, mais le bushranger est touché aux jambes et arrêté, alors que les autres membres du gang sont tous tués.

Le roman, récemment porté à l’écran par le réalisateur Justin Kurzel et que Peter Carey a écrit dans le style imagé d’une lettre laissée par le véritable Ned Kelly, est une excellente introduction à l’esprit australien d’indépendance et de défi à l’autorité. Ned Kelly reste une figure controversée, mais il est devenu un symbole de la lutte des descendants des anciens condamnés de la colonie pénitentiaire contre la domination de l’empire britannique.

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