Amsterdam : Miniaturiste par Jessie Burton

Les Hollandais sont réputés pour leur franc-parler et leur goût de la transparence qui remonteraient au calvinisme qui s’introduisit aux Pays-Bas au XVIème siècle et s’installa comme religion dominante lors du Siècle d’Or hollandais, le XVIIème. Ne dit-on pas que traditionnellement les maisons hollandaises n’avaient pas de rideaux parce que les bons citoyens n’ont rien à cacher à leurs voisins ? Passant, au fil des générations, de la transparence à la tolérance, est-ce là l’origine des vitrines aux néons rouges qui attirent comme des mouches les touristes en goguette à Amsterdam ?

Pourtant, une promenade plus attentive le long des canaux peut révéler de nombreux secrets. A quelques encablures de la Oude Kerk, la plus ancienne église de la ville, passée du catholicisme au calvinisme lors de la Réforme et qui se situe aujourd’hui au cœur du quartier chaud, on peut visiter « Ons’ Lieve Heer op Solder », autrement dit « Notre Seigneur au Grenier », une église catholique cachée au troisième étage d’une maison bourgeoise. Des bords du canal, rien ne permet de deviner, l’existence de cette église clandestine où se disait la messe quand, dans les Provinces Unies, la religion catholique était interdite, et ensuite tolérée à condition d’éviter toute publicité. De même dans le charmant béguinage (Begijnhof), les béguines n’avaient pas été chassées, mais devait suivre le rite catholique dans une chapelle cachée elle aussi à l’intérieur d’une maison. Et bien sûr, Amsterdam abrite aussi « l’annexe », l’extension secrète d’une entreprise dont l’entrée était dissimulée derrière une bibliothèque escamotable et où Anne Frank écrivit son journal avant d’être arrêtée et emmenée avec sa famille vers les camps d’extermination nazis.

Ons’ Lieve Heer op Solder (Notre Seigneur au Grenier) Photo:  ©Travel Addicts – 2016.  Used with permission https://traveladdicts.net/our-lord-in-the-attic-amsterdam/

Béguinage

Cette tension entre transparence et secrets, entre la flamboyante « Ronde de Nuit » de Rembrandt et les scènes intimistes de Vermeer, entre la frugalité puritaine des portraits de marchands habillés de noir avec un simple col de dentelle blanche et l’exubérante ostentation de certaines natures mortes, on la retrouve au Rijksmuseum, ce splendide musée qui célèbre le Siècle d’Or hollandais, l’époque où la fière République établissait ses comptoirs commerciaux dans tous les coins du globe et rivalisait en puissance et richesse avec l’Angleterre. C’est dans une des salles de ce musée que l’on peut admirer la maison de poupées de Petronella Oortman. Cette exceptionnelle réplique de la maison que Petronella Oortman habitait avec son mari, Johannes Brandt, un riche marchand a servi de point de départ et d’inspiration au captivant et séduisant roman « Miniaturiste (The Miniaturist) » de la jeune romancière anglaise Jessie Burton.

Burton imagine la vie de Petronella – Nella- une jeune aristocrate désargentée venue de la campagne pour épouser le riche Johannes, et vivre dans une maison patricienne sur le Herengracht d’Amsterdam. Johannes commerce aux quatre coins du monde, mais ignore ses devoirs d’époux. Est-ce pour se faire pardonner qu’il offre à sa femme une maison de poupées, copie conforme de leur habitation ? La jeune épouse est d’abord vexée d’être considérée comme une petite fille que l’on console avec un jouet, fut-il somptueux. Peu-à-peu, elle doit trouver sa place dans cette maison, qu’en l’absence de Johannes, sa sœur Marin dirige d’une main austère avec l’aide de deux domestiques : Cornelia, une orpheline, et Otto, un ancien esclave du Dahomey.

La maison de poupées de Petronella Oortman, Rijksmuseum

Nella fait appel aux services d’un miniaturiste pour compléter la décoration et les personnages de sa maison. Les pièces qui lui sont livrées sont parfaites et stupéfiantes de réalisme. Mais bientôt, ces objets arrivent sans être commandés et semblent anticiper les événements et les drames qui vont frapper la maison. Qui donc fabrique ces miniatures ? Est-ce cette femme blonde qui semble suivre Nella de ses yeux bleus perçants quand elle s’aventure le long des canaux ? Que cherche-t-elle ? Avertir ? Punir ? Alors que les secrets éclatent au grand jour, que ruine et scandales menacent, Nella se retrouve seule pour prendre en main sa maison et braver l’opprobre des bien-pensants.

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