Les belles histoires de Göttingen : Barbara et les Contes des Frères Grimm

J’ai vécu près de six mois à Göttingen, dans une maison de la Paulinerstraße. Le temps d’un semestre universitaire pour un échange Erasmus. J’y ai appris l’allemand, mais faute de pratique, il ne m’en reste que quelques vestiges.

Dans le monde germanique, cette petite ville de Basse-Saxe est connue pour sa prestigieuse université. En français, Göttingen évoque avant tout une chanson célèbre de Barbara qui est devenue une ode à la réconciliation franco-allemande après la seconde guerre mondiale. Son origine est une très belle histoire.

Barbara est au début de sa carrière, lorsqu’en 1964, un jeune directeur de théâtre allemand, Hans-Gunther Klein, l’invite à se produire à Göttingen. Née en 1930, la jeune adolescente d’origine juive a dû se cacher dans la campagne française pendant la guerre pour échapper aux rafles. C’est avec des pieds de plomb qu’elle se rend en Allemagne. Elle a demandé de pouvoir jouer sur un piano à queue parce qu’elle veut voir le public. Arrivée au théâtre pour répéter, elle se trouve face à un piano droit et refuse tout net de chanter. Un groupe d’étudiants se démène alors pour dénicher un piano à queue et le transporter jusque sur la scène. Le concert est un succès et Barbara, émue de l’accueil reçu prolonge son tour de chant. Deux jours avant son départ, elle compose en quelques heures la chanson « Göttingen » dans les jardins du théâtre et la dédie au public lors de son dernier concert. Elle reviendra en Allemagne pour chanter le texte en allemand.

Les deux derniers couplets expriment les espoirs d’une réconciliation entre l’Allemagne et la France qui à l’époque est encore loin d’être une évidence, même si, un an avant, en 1963, de Gaulle et Adenauer ont signé le Traité de l’Elysée consacrant l’amitié entre les deux pays :

« Ô faites que jamais ne revienne
Le temps du sang et de la haine
Car il y a des gens que j’aime
À Göttingen, à Göttingen

Et lorsque sonnerait l’alarme
S’il fallait reprendre les armes
Mon cœur verserait une larme
Pour Göttingen, pour Göttingen »

Barbara est morte en 1997. Depuis, la ville de Göttingen lui a rendu hommage en nommant une rue en son honneur.

Une autre strophe de la chanson de Barbara fait aussi écho à un lieu qui assure à la ville sa place dans l’histoire littéraire allemande.

« Et que personne ne s’offense,
Mais les contes de notre enfance,
« Il était une fois » commencent
A Göttingen »

Le texte fait référence aux contes et légendes de la tradition germanique recueillis et rassemblés au dix-neuvième siècle par les frères Jacob et Wilhelm Grimm, deux philologues qui ont été professeurs à l’Université de Göttingen, et dont Barbara, lors de son séjour, a visité la maison. Les frères Grimm sont connus pour la rédaction d’un dictionnaire historique de la langue allemande et pour avoir fait partie des « Sept de Göttingen », un groupe de professeurs qui signèrent une protestation contre une nouvelle Constitution assez autoritaire promulguée par le roi Ernest-August de Hanovre en 1837. Cela leur valut l’expulsion de l’Université.

Jacob et Wilhelm Grimm illustrant un billet de 1000 marks

Mais les Frères Grimm sont surtout célèbres pour leur recueil de « Contes de l’enfance et du foyer ». Si ça ne vous dit pas grand-chose, voici quelques titres qui vous mettront la puce à l’oreille : Blanche-Neige, Hansel et Gretel, Les Musiciens de Brême, Raiponce/Rapunzel, sans oublier les versions allemandes de Cendrillon ou de La Belle au Bois Dormant. Walt Disney doit une fière chandelle aux deux frères, tout comme Richard Wagner dont les opéras Tannhäuser et Lohengrin s’inspirent de légendes germaniques recueillies par le duo de philologues.

C’était il y a trente ans que j’étudiais à Göttingen. A première vue, cet anniversaire n’est pas fait pour me rajeunir. Et pourtant, je me souviens de ce séjour comme si c’était hier. C’est en effet dans cette ville que pour ma femme Céline et moi commença une très belle histoire que nous n’avons pas fini d’écrire.

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