Château de Saint-Fargeau, Bourgogne : Au Plaisir de Dieu par Jean d’Ormesson

Un des points d’orgue de notre voyage en France cet été fur notre courte étape au Château de Saint-Fargeau, dans l’Yonne. Il est un peu à l’écart des coins plus touristiques de Bourgogne, caché au milieu d’immenses forêts qui abritent aussi le chantier de construction médiéval du château-fort de Guédelon.

A Saint-Fargeau, les massives tours rondes surmontées d’élégants lanternons à chaque angle de l’édifice ajoutent un air bonhomme à cette imposant château de style renaissance. Le tendre rose des briques sous le soleil de l’après-midi vire à l’orange à la tombée du jour. L’invitation à rester, après la visite, pour le spectacle nocturne, se fait alors très tentante.

En ce long soir d’été, nous nous sommes donc assis sur un banc de bois entre l’étang et l’harmonieuse façade du château. La nuit avance, les flambeaux s’allument et nous nous sommes laissés embarquer par un spectacle entièrement joué par des centaines de volontaires du village et de la région. Ce fut un superbe voyage, en quelques deux heures de démonstrations équestres, de tournois de chevaliers, guerres de religion, pillages, révolutions, guerres mondiales et scènes de la vie quotidienne des campagnes, ponctuées d’effets spéciaux et d’humour, nous menant à travers l’histoire du château et de son village.

Alors qu’à la fin du spectacle nous quittions le domaine par la cour intérieure où résonnaient les trompes de chasse, il était impossible de ne pas faire le lien avec le roman de Jean d’Ormesson. Il a choisi comme titre « Au Plaisir de Dieu », la devise familiale inscrite au linteau de la porte de la chapelle. Et même si, dans son roman, l’académicien aux yeux bleus place le château fictif de Plessis-lez-Vaudreuil en Haute-Sarthe, c’est bien à Saint-Fargeau, appartenant alors à la famille de sa mère, que l’écrivain a passé quelques années de sa jeunesse. En outre, l’excellent feuilleton télévisé adaptant le roman – disponible dans son entièreté sur Youtube– a été tourné dans le même château.

« Au Plaisir de Dieu » raconte l’histoire de cette famille aristocratique, du début du XXème siècle à la fin des années soixante. C’est un regard à la fois sans complaisance et attendri que Jean d’O pose sur cette lignée. Son patriarche, Sosthène, Duc de Plessis-Vaudreuil, est d’un autre âge, fidèle au drapeau blanc du roi, et pourtant il traversera le siècle comme le point de repère et de ralliement de ses enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants perdus et brinquebalés dans les soubresauts de l’histoire : tués dans les tranchées, suivant les dernières fantaisies du surréalisme et de Dada, ruinés par le krach boursier, rivaux dans les deux camps de la Guerre d’Espagne, déçus du marxisme et du fascisme, résistants et collabos, et finalement, forcés de vendre le château. Au milieu de ces tempêtes, tous les étés la famille se retrouve autour de la table de pierre à l’ombre du tilleul pour d’abord refaire le monde, et ensuite panser ses blessures.        

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