Berlin : Cet instant-là (The Moment) par Douglas Kennedy

Mon beau-frère Emmanuel préside depuis plusieurs années avec brio aux destinées des Grandes Conférences Catholiques, sans doute la tribune la plus prestigieuse de la Capitale de l’Europe. Comme j’habite aux Etats-Unis et ne retourne en Belgique que pour les vacances d’hiver ou d’été, j’avais l’habitude d’admirer le programme de la saison à venir en regrettant de ne pouvoir y assister. A cause de la récente pandémie (dans ce cas-ci, j’étais tenté d’écrire « grâce à »), les conférences ces deux dernières années furent aussi disponibles via un lien vidéo et j’ai donc pu suivre nombre d’entre elles. Le programme fait la part belle aux hommes et aux femmes d’état, aux scientifiques et aux leaders d’opinions. Mais Emmanuel invite aussi d’excellents écrivains. Il y a quelques années, le programme m’avait fait découvrir l’écrivain anglais William Boyd. Cette année ce fut le tour du romancier américain Douglas Kennedy, que je ne connaissais pas, peut-être parce qu’il semble être plus populaire en Europe que dans son pays natal. Sa conférence était excellente (il parle très bien français, avec juste ce qu’il faut d’accent pour que ce soit charmant) et m’a donné envie de lire un de ses romans.

J’ai choisi « Cet instant-là (The Moment) » parce que l’idée de me plonger dans l’atmosphère de Berlin des années 80 me tentait. J’ai déjà écrit un article sur la capitale allemande relatant mon voyage en novembre 1989 lors de la chute du Mur.

En réalité, le roman de Douglas Kennedy commence bien des années plus tard et aux Etats-Unis. Thomas Nesbitt se remet d’un divorce et d’une chute de ski dans sa maison du Maine. Un jour, le facteur livre un colis venant d’Allemagne. Le nom de l’expéditeur « Dussmann » le renvoie d’un coup à Berlin en 1984, dans une ville encore divisée.

Thomas était alors un jeune écrivain qui venait de publier son premier livre. Il choisit d’aller vivre à Berlin et s’installe à Kreuzberg, un quartier à l’époque assez délabré, juste à côté du Mur, habité par des immigrants turcs et une jeunesse en rupture. Par le truchement des petites annonces, il partage un appartement avec Alistair, un Anglais de bonne famille, peintre brillant, extravagant, gay et junkie. Il trouve aussi un boulot pour « Voice of America », l’organisme chargé de relayer le point de vue de l’Amérique par-dessus le rideau de fer. Il commence par écrire un billet qui raconte sa première journée passée à Berlin-Est.

Petra Dussmann est chargée de traduire son article en allemand. La jeune interprète, récente transfuge de l’Est, est discrète et réservée, presque austère. Et pourtant, la séduction est immédiate et réciproque. Thomas et Petra apprennent à se connaître et, après quelques hésitations de sa part à elle, ils décident de vivre ensemble. Peu à peu, elle semble s’ouvrir et finit par révéler le fardeau qui la ronge : les circonstances de son passage à l’Ouest, un échange de prisonniers, ont fait qu’elle a dû laisser son fils de trois ans de l’autre côté du Mur. Malgré, tous ils commencent à faire des plans d’avenir à deux.

Mais Petra est-elle vraiment qui elle prétend être ? Certains soirs, elle s’éclipse pour quelques heures. Qui rencontre-t-elle ? Un week-end, elle annonce qu’elle doit accompagner le directeur de « Voice of America » à Hambourg, mais Thomas aperçoit ce dernier lors d’un concert à la Philharmonie de Berlin. Le doute s’installe chez lui. Il ne veut pas croire que Petra soit un agent de la Stasi, mais pour en avoir le cœur net, il accepte, à l’instigation des services secrets américains, de lui tendre un piège.

C’est un roman passionnant sur l’amour, la trahison, la confiance. Sur ces moments où tout peut basculer, où tout se joue sur une décision. Une décision qu’on pourrait regretter toute une vie.

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