Zambie : Mustiks. Une odyssée en Zambie (The Old Drift) par Namwali Serpell

Ma première visite en Zambie s’est faite aux chutes Victoria. Un pont métallique permet d’admirer la splendide cataracte du Zambèze, appelée en langue locale « Mosi-oa-Tunya », la fumée qui gronde. D’un côté, c’est le Zimbabwe, où nous logions, et de l’autre la Zambie. Nous avons vu les chutes des deux côtés : un peu plus de recul, et donc un point de vue plus panoramique du côté zimbabwéen, des sentiers qui mènent plus proche de l’eau et de son tumulte de l’autre côté. La rive zambienne est aussi moins développée touristiquement que la petite ville de Victoria Falls qui attire les visiteurs au Zimbabwe. Pour atteindre la première ville en Zambie, il faut prendre un minibus juste après le poste frontière pour rejoindre, à un peu moins de vingt kilomètres, Livingstone, qui porte encore le nom du célèbre médecin et explorateur britannique.  

Le roman de Namwali Serpell, née en Zambie, offre une large fresque multigénérationnelle de son pays. Les premiers chapitres sont situés au bord du fleuve Zambèze. Le titre anglais du roman « The Old Drift » fait référence au premier hôtel construit, autour de 1900, près des chutes Victoria.  La traduction française paraîtra en novembre 2022 sous le titre « Mustiks. Une odyssée en Zambie ».Le livre ne se déroule pas uniquement au bord du Zambèze : quelques chapitres ont lieu en Italie et en Angleterre, et une part importante de l’action se déroule à Lusaka, la capitale, que j’ai visitée lors d’un second voyage.

Namwali Serpell met en scène trois familles, une zambienne, une italienne et une indienne dont les destins s’entremêlent au fil des générations, des débuts de la période coloniale à un futur proche dans lequel des mini-drones pas plus grands que des moustiques surveillent la population. Le récit parcourt des aspects connus et d’autres moins connus de l’histoire du pays : la colonisation britannique et son racisme ordinaire et paternaliste, la lutte pour l’indépendance, la construction du Barrage de Kariba, les ambitions chimériques du programme spatial zambien juste après l’Indépendance, la tragédie de l’épidémie de SIDA, les tentatives de trouver un vaccin et la lente progression de la corruption et des trafics en tous genres qui sapent les fondements d’un pays neuf.

Barrage de Kariba

Le style du roman est fascinant. L’auteur adopte plusieurs points de vue, prenant tour à tour la voix des colons britanniques, des ingénieurs italiens du barrage, d’une famille de commerçants indiens et des jeunes zambiens, d’abord désireux de façonner leur nouvelle nation, et une génération plus tard, plus désabusés mais devenus adeptes de la débrouille. Elle rajoute à cette polyphonie dominée par les voix féminines, une touche bien dosée de réalisme magique.

C’est un roman entraînant et envoûtant qui donne envie de quitter les berges du Zambèze pour partir à la découverte d’un pays peu connu, à l’écart des sentiers battus.  

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