De la Zambie à Zanzibar: « Hors des ténèbres, une lumière éclatante » par Petina Gappah

Mon article précédent couvrait la Zambie, et notamment la ville de Livingstone non loin des Chutes Victoria. Aujourd’hui, je vous invite à faire un voyage qui nous mènera de la Zambie à l’île de Zanzibar, au large de la Tanzanie. C’est un périple que nous ferons à la suite du Docteur Livingstone, le fameux missionnaire, médecin et explorateur anglais parti à la recherche des sources du Nil. Mais ce n’est pas sa trace que nous suivrons, mais bien celle de ses serviteurs qui ont porté ses restes mortuaires du nord de la Zambie jusqu’aux rives de l’Océan Indien pour qu’ils puissent être embarqués et ramenés en Angleterre. David Livingstone est en effet mort le 1er mai 1873 dans le village du chef Chitambo en Zambie, à soixante ans, des suites de la malaria et d’une dysenterie. Son cœur fut enterré au pied d’un arbre dans le village, mais le reste de son corps repose maintenant dans l’abbaye de Westminster à Londres.

Ce voyage de plusieurs mois est la prémisse du superbe livre de la romancière zimbabwéenne Petina Gappah « Hors des ténèbres, une lumière éclatante (Out of Darkness, Shining Light) ». Son roman, documenté avec rigueur, inverse aussi les perspectives en prenant le point de vue des serviteurs africains qui accompagnent la dépouille de Livingstone.

Le livre commence par le récit d’Halima, une cuisinière que Livingstone, pourtant apôtre en Angleterre de l’abolition de l’esclavage, avait achetée sur un marché d’esclaves pour servir de compagne à son assistant Amoda. Elle apparaît d’abord comme une commère qui semble davantage intéressée par qui des 69 membres de l’expédition passe la nuit avec qui. Mais elle n’a pas peur d’appeler un chat un chat : elle ne peut pas comprendre comment « Bwana Daudi » a abandonné ses enfants pour cette folie de trouver les sources du Nil. Halima choisit d’accompagner cette longue procession mortuaire parce qu’elle espère obtenir d’être affranchie et de s’installer dans une maison à Zanzibar.

La seconde voix du roman est celle de Jacob Wainwright, un africain éduqué par des missionnaires chrétiens. Il est aussi raide et pompeux qu’Halima est joyeuse et pleine de gouaille. Il est anglophile et rêve de devenir pasteur. Il se joint au voyage avec l’espoir de rencontrer les enfants de Livingstone et d’obtenir leur appui.

A la fin du roman, Halima, affranchie par les enfants Livingstone, vit dans une maison avec une belle porte en bois à Zanzibar. Elle est respectée dans la ville, mais regrette parfois son village. Wainwright est lui arrivé jusqu’à Londres où il a été reçu par la famille de l’explorateur. Mais quand il raconte à la société missionnaire qui a sponsorisé son séjour anglais comment le bon docteur devait bien se fournir sur les marchés d’esclaves pour recruter les forces vives de ses multiples expéditions, et comment il n’hésitait pas à faire battre les récalcitrants, tout ce beau monde se froisse et tourne le dos au pieux Jacob qui ne sera pas ordonné et dont les carnets ne seront pas publiés.

C’est un livre passionnant, bien écrit et qui propose un angle nouveau et rafraichissant sur l’histoire de la colonisation de l’Afrique.

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