Panama : « Coming Together, Fall Apart » par Cristina Henriquez et « Le Tailleur de Panama » par John Le Carré

J’ai déjà passé trois bonnes journées à Panama, sans jamais y dormir. Non pas que j’y ai fait la fête toute la nuit. J’ai plutôt profité de trois longues escales quand je volais avec la compagnie nationale Copa vers des destinations plus au sud de l’Amérique latine. Lors de ma première visite, assez courte, j’ai pris un taxi pour aller voir le Canal de Panama et ses écluses, superbes prouesses d’ingénierie. Il y a quelques mois, j’avais deux longues escales, à l’aller et au retour. Je me suis d’abord promené, dès le petit matin, au Casco Viejo, le très élégant centre historique de Panama City, avant de prendre un bateau pour passer quelques heures sur l’île de Taboga à vingt kilomètres au large de la Côte Pacifique.  C’est sur Taboga que Paul Gauguin passa sa convalescence après avoir travaillé à la construction du Canal et y être tombé malade. Lors de l’escale retour, j’ai fait mes premières observations, émerveillées, d’ornithologie dans le parc national de Soberanía le long du Camino del Oleoducto (Pipeline Road), là où un nombre record d’oiseaux différents a été répertorié.

Panama City: Casco Viejo
Taboga

Tous ces endroits, je les ai retrouvés dans les deux livres que j’ai lus et qui se déroulent dans ce petit pays très varié dans ses attractions. « Coming Together, Fall Apart » est la première publication de Cristina Henriquez, une romancière américaine d’origine panaméenne, qui écrit en anglais. Ce très beau recueil de nouvelles n’est hélas pas disponible en français.  

L’île de Taboga sert de décor à la nouvelle « The Wide, Pale Ocean ». Devant sa fille Ysabel, à la sortie de l’église, toute blanche sur la place chauffée au soleil, le prêtre de la paroisse demande à Gabriella, si elle veut bien jouer le rôle de Marie dans la procession de Pâques.

« La Vierge ou Marie-Madeleine ? » demande Gabriella.

« La Virgen » répond le Père Castillo.  Dans cette émouvante nouvelle, Ysabel raconte l’histoire de sa mère, une jeune habitante de l’île qui s’est laissé séduire, très jeune, par un homme élégant venu de la capitale qu’elle n’a jamais revu. Mère et fille sont très proches et aiment se laisser prendre par les vagues de l’océan.

Taboga

Dans « Chasing Birds », Harvey et June sont deux américains d’âge moyen du Midwest qui sont venus au Panama pour observer des oiseaux tropicaux. Leur guide les emmène au Camino del Oleoducto ou en bateau sur la rivière proche du canal. Harvey n’a d’yeux que pour les oiseaux chamarrés, tandis que sa femme s’ennuie et n’arrête pas de penser à Diego, cet employé de leur hôtel avec qui elle a dansé et échangé un baiser furtif.

Dans le dernier récit, le plus long, qui donne son titre au livre, Cristina Henriquez raconte avec finesse et émotion, à travers les yeux d’un adolescent dont la famille doit déménager suite à une promotion immobilière, les événements de la fin de 1989 quand les Américains débarquèrent à Panama City pour en chasser le dictateur Manuel Noriega et au passage détruire par le feu le quartier de El Chorillo et ses maisons de bois.  

El Chorillo, Panama City

Le roman d’espionnage « Le Tailleur de Panama (The Tailor of Panama) » se termine aussi par une invasion américaine. Comme le thriller de John Le Carré a été publié en 1996, il s’inspire sans aucun doute de l’histoire récente du pays et des appétits des différentes puissances économiques mondiales pour le contrôle du Canal.

Harry Pendel est le tailleur de Panama. Tous ceux qui comptent dans ce petit pays, du Président au Général américain, apprécient ses costumes parfaitement taillés à l’anglaise. Mais ils ignorent tous son passé moins glorieux : c’est, en effet, dans une prison anglaise que Harry a appris à couper des vêtements. Même sa femme américaine, Louisa, ne connaît pas ce détail. Andy Osnard, un jeune agent des services secrets britanniques, découvre le passé d’Harry et décide de l’exploiter en faisant chanter le tailleur. Celui-ci devra recueillir et susciter les confidences des puissants qu’il habille. En échange, Andy lui glisse quelques enveloppes généreuses et promet de ne pas révéler à Louisa les secrets de son mari. Harry se prend au jeu, et attiré par le gain, gonfle l’importance de ses révélations, avant de tout bonnement les inventer. Andy voit aussi comment il peut profiter de ce potentiel coup d’éclat dans sa carrière. L’affaire enfle au point que le MI6 se voit obliger de prévenir la CIA d’une tentative de soustraire le Canal au contrôle des Américains.

C’est un livre plus léger et satirique que les romans inspirés par la guerre froide de l’écrivain anglais. Je l’ai lu avec beaucoup de plaisir, mais j’y ai appris moins sur la vie à Panama que dans les nouvelles de Cristina Henriquez.

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