Théâtre : La Chute d’Albert Camus au Théâtre de la Contrescarpe à Paris

Je ne connaissais de la Contrescarpe que ce nom qui sonne bien dans un refrain de la chanson « La Langue de chez Nous » d’Yves Duteil :

« Et du Mont Saint-Michel jusqu’à la Contrescarpe… »

« Et de l’île d’Orléans jusqu’à la Contrescarpe… »

J’étais pour quelques jours à Paris au tout début de janvier pour des raisons professionnelles. Je logeais dans le quartier de la Sorbonne, pas loin du Panthéon, que je n’avais plus visité depuis mes douze ans. Du Panthéon, mes pas m’ont mené jusqu’á la Place de la Contrescarpe qui est aussi charmante que son nom est chantant. C’est une place ronde, pas trop grande, avec de beaux arbres et une fontaine au milieu, entourées de cafés et restaurants, qui fait davantage penser au cœur d’un village qu’à une grande capitale.

Place de la Contrescarpe, Paris.

A deux pas de la place, je suis tombé sur le Théâtre de la Contrescarpe. Mes soirées étaient libres et on jouait « La Chute » de Camus le lendemain. J’ai réservé mon billet en ligne.

Je suis donc revenu le lendemain soir. J’ai descendu un escalier pour me retrouver dans un théâtre tout petit et, le choix des sièges étant libres, j’ai pris place au premier rang. Un seul acteur, l’excellent Stanislas de la Tousche, jouait un monologue, une adaptation pour le théâtre du texte de Camus par Géraud Bénech.  La mise en scène, sobre et efficace, jouait sur les contrastes, entre le blanc et le noir.

Le personnage de « La Chute » est Jean-Baptiste Clamence qui se trouve au comptoir d’un bar mal famé d’Amsterdam appelé le « Mexico City ». Entre bière et genièvre, il accoste les autres clients, de préférence français comme lui, et leur raconte sa vie. Il fut un avocat brillant à Paris, défendant la veuve et l’orphelin. Un ténor du barreau, généreux quand il ne soumettait pas ses honoraires à ses clients démunis, mais aussi séducteur et charmeur. A l’en croire, peu de femmes lui résistaient, et bien qu’il ne s’attachait pas, aucune d’entre elles ne le lui reproche.  

Mais un soir, alors qu’il rentre, content, de chez sa maîtresse du moment, il croise l’ombre d’une femme en détresse sur le Pont Royal. Il est intrigué, mais continue son chemin. Soudain, il entend le bruit d’un corps qui tombe à l’eau. Il s’arrête. Un cri retentit dans le fleuve. Il veut faire quelque chose, mais hésite. Le cri s’éloigne. Trop tard, trop loin.

Confronté à son inhérente faiblesse, Clamence voit sa vie et ses succès sous un autre jour. Tout était si parfait, mais lorsqu’il a fallu agir, il est resté sans bouger sur le quai de la Seine. Il commence une spirale du déclin qui l’emmène dans les bas-fonds du quartier chaud d’Amsterdam.

Au bout de son monologue, il fait référence au fameux panneau des Juges Intègres du retable de l’Agneau Mystique des Frères Van Eyck, volé à Gand en 1934 et que l’on n’a jamais retrouvé. Comme nous tous, « humains trop humains », il se compare à un juge-pénitent, clairvoyant sur ses manquements et ne pouvant que se résigner à son châtiment de déchéance.

Les Juges Intègres

Je suis sorti du théâtre, un peu sonné, et j’ai marché jusque devant le Panthéon remarquant son fronton qui proclame « Aux Grands Hommes La Patrie Reconnaissante ».  

Le Panthéon

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