Boston : Mystic River par Dennis Lehane

Pour beaucoup, Boston évoque les prestigieuses universités américaines telles que Harvard, le M.I.T. ou encore Boston University. Même si les deux premières sont en fait situées sur l’autre côté de la Charles River, à Cambridge, Massachusetts. Lors de ma première visite, il y a de nombreuses années, après avoir vu quelques-uns des lieux emblématiques de la Révolution américaine, nous nous étions empressés de parcourir le campus de Harvard. Plus récemment, mes courts séjours furent tous motivés par des conférences organisées par les institutions académiques de la ville. Lors d’un de mes derniers séjours, je me levai de bonne heure pour me promener le long de la Charles River et prendre des photos depuis le pont qui la traverse pour mener vers Cambridge. Dans la fraîcheur du matin, des équipes universitaires d’aviron à l’entraînement glissaient entre les piles de l’ouvrage.

Il serait pourtant erroné de ne voir dans Boston qu’une ville d’intellectuels et d’académiques. La ville a ses quartiers populaires, parfois durs. Le contraste entre ces deux aspects de la capitale du Massachussetts est bien montré dans le film « Good Will Hunting » et en particulier la scène du bar de Harvard dans laquelle Matt Damon, le prodige venu des quartiers pauvres, rabat le caquet à un étudiant étalant ses connaissances pour impressionner les filles et humilier son ami Ben Affleck. « You dropped 150 grand on a f*** education you could’ve got $1.50 on late charges at the public library (T’as lâché 150 mille dollars pour une éducation de merde que tu aurais pu avoir pour $1.50 de frais de retard dans une bibliothèque publique) ». L’ironie, c’est que Matt Damon est né à Cambridge et a étudié à Harvard.

Le roman « Mystic River » de Dennis Lehane se passe à Buckingham un des quartiers populaires de la communauté d’origine irlandaise de Boston. Si Buckingham est un nom fictif inventé par l’auteur, la Mystic River, elle, existe bien, et loin de la patricienne Charles River, elle marque la séparation entre la Boston huppée et celles des cols bleus. On sent que Dennis Lehane connaît à fond ces quartiers où les valeurs viriles sont prisées et la solidarité est forte au point d’imposer une loi du silence dans des rues menacées à la fois par la criminalité et la gentrification.

Jimmy, Dave et Sean sont trois amis vers la fin de l’enfance qui jouent et font quelques bêtises dans les rues de Buckingham. Une voiture avec deux hommes les surprend et s’arrête. L’un d’eux en descend, en civil, mais il exhibe ce qui ressemble à un badge et intime à Dave de monter à l’arrière pour le « ramener chez sa mère ». Dave obéit, tandis que Jimmy et Sean ne bougent pas. Dave réapparaît quelques jours plus tard, récupéré par la police. Mais il semble changé.

Quinze ans plus tard, Sean, qui a intégré la police de l’Etat, enquête sur le meurtre dans un parc d’une jeune fille de dix-neuf ans. Très vite, celle-ci se révèle être Katie, la fille de Jimmy, qui tient une boutique dans le quartier, s’étant rangé après un passage par la case prison. Dave, qui a épousé Céleste, la cousine de la femme de Jimmy, se retrouve chez eux lorsque toute la famille se rassemble pour partager le deuil. Sean et son co-équipier y passent pour présenter leurs condoléances et poser quelques questions. Dave semble bizarre.

C’est un roman dur, mais plein de surprises, magistral et haletant. Il a été porté à l’écran par Clint Eastwood dans un superbe film qui réunit Sean Penn, Tim Robbins et Kevin Bacon dans les trois rôles principaux.

Le roman aborde aussi, indirectement, la question de la pédophilie. Un autre excellent film, « Spotlight » raconte les enquêtes menées par les journalistes du « Boston Globe » pour mettre à jour le scandale des abus sexuels pratiqués par des prêtres catholiques, en particulier dans les quartiers irlandais où l’église jouit encore d’une large influence. Influence qui lui a permis de systématiquement occulter et passer sous silence les crimes commis par certains de ces représentants.

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